Rapport d'un voyage

à la recherche d'Orchidées

en Sicile

en avril 1999

rédigé par le Dr. H. Zelesny.

Partie I

Traduction : Jacques Favre et Patrick Veya, mars-avril 2001

Avertissement : cette version française porte principalement sur la description des stations, des orchidées découvertes et des discussions générales. Les passages d'un intérêt moindre ont été négligés.

Un massif d'Orchis italica près de Chiaramonte.

Introduction : la Sicile - presqu'île italienne - est située au sud-ouest de la Calabre. Avec 25'709 km2, elle est également la plus vaste des îles méditerranéennes. Peuplée de 5 millions d'habitants environ, elle présente une densité de population moyenne de 191 habitants/km2. La Sicile, politiquement, est une région de l'Italie.

C'est une île montagneuse, avec ses trois chaînes dans le Nord, parallèles à la côte maritime : les Monts Peloritani, les Nebrodies et les Madonies, dont le point culminant, le Pizzo Carbonara, s'élève à environ 2'000 m, et une chaîne au Sud, dont le point culminant, le Monte Lauro, se situe à 1'000 m d'altitude. Enfin, à tout seigneur tout honneur, l'Etna (3'323 m) est un volcan sporadiquement en éruption.

Paysage sicilien avec vue sur l'Etna, figuiers de Barbarie et Euphorbia dendroides.

Il y a quelques siècles, la Sicile était couverte de forêts, mais il n'en reste pas grand chose aujourd'hui ! La végétation la plus dense est concentrée dans l'étage collinéen, respectivement sub-montagnard.

Dans les régions les plus basses, la végétation est essentiellement composée de prairies steppiques et de buissons, qui sont ainsi d'importants biotopes pour les orchidées. Et tout cela est entrecoupé de zones cultivées, de réimplantations de forêts, et… de constructions ! La reforestation relativement importante, est basée sur le pin (diverses espèces). Cette renaturalisation est toutefois souvent contrariée par l'homme et son emprise.

Suite à des renseignements d'amis orchidophiles suisses, nous décidons de résider et de prospecter surtout des stations importantes dans la région des Monts Iblei. En route, nous remarquons dans les bordures de route une papilionacée d'un rouge vif intense :

• Hedysarum coronarium, souvent en compagnie de
• Ferula communis (Aneth géant).

Dans un virage vers une maison, nous voyons le premier orchis : Orchis longicornu (avec 2 bractées !)

Orchis longicornu, une des Orchidées les plus abondantes de Sicile.

Pas toujours facile à identifier : Ophrys exaltata

Puis, arrivent déjà les premiers problèmes avec les Ophrys. S'agit-il d'Ophrys exaltata ou d'Ophrys panormitana ? PAULUS et GACK (1989) ont expliqué qu'il doit s'agir de deux espèces morphologiquement distinctes ayant deux pollinisateurs différents. Ni la couleur du périanthe ni le labelle trilobé ne permettent à eux seuls de les distinguer, par contre la forme du labelle ainsi que ces deux caractéristiques ensemble sont déterminantes. Mais, la détermination d'espèces d'après des pollinisateurs distincts est controversée parmi les spécialistes.

Il faut faire ici quelques remarques fondamentales à propos des espèces Ophrys incubacea, O. sphegodes, O. garganica, O. panormitana et O. exaltata, qui sont mentionnés tous les 5 en Sicile. Nous avons trouvé de nombreux exemplaires d'Ophrys incubacea typiques pendant notre séjour. Ceux-ci ne se distinguent pas des exemplaires d'autres régions d'Italie, par exemple du Monte Gargano ou du Monte Argentario. Ophrys garganica typique a toujours été trouvé en quelques exemplaires isolés et presque toujours en compagnie de nombreux O. panormitana ou O. incubacea. C'est à se demander s'il s'agit réellement d'Ophrys garganica ou pas plutôt d'exemplaires anormaux ou de formes intermédiaires des espèces citées ci-dessus. Après ces premières difficultés, nous pouvons mieux différencier les Ophrys panormitana des Ophrys exaltata. Ceci est le cas d'Ophrys panormitana dans la région des Monts Iblei et d'Ophrys exaltata dans la région de Palerme. Dans beaucoup de cas, un classement clair de ces 5 espèces n'a pas été possible. Évidemment des populations mixtes sont probables. On ne citera pas les exemplaires d'Ophrys sphegodes que nous avons découverts et dont l'amplitude des caractéristiques est très large.

Pas toujours facile à trouver : l'hybride Ophrys fusca x Ophrys lutea

Déjà, de nouvelles espèces se présentent avec d'autres problèmes. Comme si cela n'était pas encore assez compliqué avec le groupe d'Ophrys fusca ! Il y a 15 ans, j'avais déjà observé au nord du Monte Argentario des exemplaires à grandes fleurs, en floraison précoce. Dès la fin de floraison de ceux-ci apparaissaient des exemplaires à petites fleurs. Ma conclusion à l'époque : il devait donc s'agir de 2 espèces, respectivement sous-espèces différentes. La littérature sur les Orchidées n'était pas encore assez complète à cette époque. Depuis, des botanistes systématiciens se sont penchés sur le problème et ont décrit toute une série de nouvelles espèces.

Qu'est-ce que cela signifie ? Ophrys fusca (bilunulata) et Ophrys fusca ???

Les espèces à fleurs moyennes comme Ophrys forestieri, obaesa et bilunulata s'ajoutent à un groupe sicilien d'Ophrys. Dans quelques cas, un classement nous a été possible, mais pas dans d'autres. Nous avons relevé un Ophrys fusca avec des fleurs de taille moyenne. Dans la plupart des plantes que nous avons trouvées, il devait s'agir d'Ophrys bilunulata respectivement de la sous-espèce sicilienne. L'Ophrys funerea caractérisé par des petites fleurs, que nous avons trouvé dans quelques stations, était en pleine floraison.

Comme si cela n'était pas suffisant, deux nouvelles espèces du groupe d'Ophrys fusca de Sicile ont été décrites récemment. Il s'agit du rarissime Ophrys mirabilis qui est facile à déterminer grâce à l'absence de sillon médian à la base du labelle. De plus il fleurit relativement tard et c'est probablement aussi la raison pour laquelle nous ne l'avons pas découvert fleurissant au " classicus locus " situé au sud du Monte Fromaggio. De même, nous n'avons pas (encore) trouvé le rare Ophrys laurensis. Enfin, il faut encore ajouter à la liste Ophrys pallida, qui en Sicile pousse seulement dans le nord-ouest de l'île. Nous le trouverons en fin de floraison en exemplaires parsemés dans une station très connue de Ficuzza.

Ophrys tenthredinifera souvent largement bordé de jaune.

Un arrêt dans une forêt de chênes clairsemée nous permet de découvrir de nombreux :

O. tenthredinifera, à grandes fleurs avec de grands labelles. 10% des plantes ont un labelle largement bordés de jaune et non recourbés sur l'arrière et qui nous font bien penser à la sous-espèce de Majorque.

Pour ce qui concerne les Orchis papilionacea, il y a 3 sous-espèces en Sicile selon DELFORGE (1994) :

• Orchis papilionacea ssp. decipiens le labelle plus gros est rainuré, ponctué.
• Orchis papilionacea ssp. rubra rare, que nous n'avons pas
• Orchis papilionacea ssp. grandiflora difficile à différencier.trouvé

Il est déjà tard quand nous rejoignons notre hôtel. Il n'est pas luxueux, mais pour 115 FF par personne et par nuit, c'est raisonnable.

Orchis longicornu est plus frêle par rapport à Orchis papilionacea grandiflora.